24.8.18

KEITH RICHARDS - Crosseyed Heart



Le vieux pirate est de retour à l’abordage. Loin de Mick et des grandiloquences de la langue bien pendue qui roule encore ses pierres, Keith Richards raboule sa fraise et ses crevasses avec tout un placard d’ingrédients parfois périmés, mais garantis sans chimie superflue ni édulcorants. Avec juste une pilule de Viagra dans le coin au cas où. Pas besoin de couche Confiance, Keith vous pisse au Mi La Ré.

Quand on bâtit sa légende sur un personnage de trompe-la-mort, la retraite à 60 ans ne signifie plus rien du tout, et Keith Richards ne semble pas calibré pour se farcir des arthroses en gémissant sur un fauteuil orthopédique en insultant tous les petits-fils qui passent lui rendre visite. A l’occasion de son troisième album solo, casé on se sait trop comment au milieu des tours du monde des Stones depuis 2012, le Keef nous démontre que rester jeune malgré sept ou huit dizaines de piges ne se résume pas à s’oublier dans ses couches et se faire torcher par des adultes sains de corps et d’esprit.

Crosseyed Heart est un portrait assez représentatif de son auteur à l’instant T. Un type qui se déchire à la vodka dans une banlieue verdoyante pour rupins en week-end, promenant son clébard dans le jardin en sifflant un paquet de Marlboro. L’album alterne rock pas dégueulassement riffé, instants reggae mollassons, rockabilly pour faire danser les gonzesses à choucroute, et bluettes qui te donnent envie de composer des poèmes chiants sur la rosée du matin. Et comme toujours avec les disques de vieux routards n’ayant plus rien à prouver, il n’y a que deux façons d’appréhender l’écoute : avec agacement devant ces Jeanne Calment radoteuses qui n’ont plus assez d’allant pour foutre le merdier dans la ruche, ou bien avec un respect patient pour l’ancien guerrier qui n’a pas donné la moindre prise à la mort.



Pour ma part, j’ai acheté l’album sans passer par la case Torrent, sans écouter les preview à droite à gauche, pas que Keith ait un besoin nécessaire d’un peu de ma caillasse pour survivre, mais par respect pour les vieilles carnes encore debout à un âge où nous serons tous avachis avec une couverture sur les genoux à se farcir la saison 3000 des Feux de l’Amour. Je fais partie de ceux qui pensent qu’on n’a pas besoin de repasser son permis bateau quand on a franchi le Cap Horn cinquante fois.

Ici, Keith Richards n’en fait pas des caisses inutiles, la voix a trop de kilomètres au compteur pour se lancer dans des resucées de Happy et garde ses distances avec les octaves de pucelles toutes fraîches débarquées du Vocoder. Keith est né par le blues et périra par le blues.
 


Les porteurs d’étendard du péril vieux n’ont pas fini d’en faire dans leur froc : les épargnés de l’escroquerie au Club 27 bougent encore, et il y aura toujours une guitare qui traîne au bord d'un crossroads pour aller sympathiser avec le diable.

8.1.15

GUEULE D'HEBDO

C'est long une gueule de bois qui dure, qui dure. Faut dire qu'hier, la bibine, c'était du costaud. Du 12 ans de moyen-âge, facile. Les verres ont défilé cul-sec. Tac tac tac. Tac tac tac. Sur le coup tu te rends pas vraiment compte, ça t'assomme et tu gerbes un peu, puis tu t'endors comme une merde avec la tête qui te cyclone méchant. Mais le lendemain. Putain le lendemain...

Ça me fait mal. Ça me fait mal car cette petite séance de balles tragiques à Charlie Hebdo a touché des trucs qui comptent pour moi, et plus que ça, des trucs qui font partie de mes fondations, des trucs qui n'ont pas de prix. Ça a touché la presse, et j'ai grandi avec le rêve de devenir journaliste un jour (puis y a eu le collège et les filles et j'ai décidé qu'il était plus pertinent de consacrer mes études à prendre des râteaux les uns après les autres. Si bien qu'aujourd'hui, même un faussaire camerounais à la dèche refuserait de me vendre une carte de presse), ce n'est pas mon métier qui a été touché, mais mon rêve, je ne sais pas si c'est pas pire... Certes, j'étais pas un lecteur de Charlie, mais savoir qu'il faisait des siennes dans les parages, ça me suffisait, puis y avait des dessins qui passaient de temps en temps sur Facebook. Tant que les mecs étaient là, ça faisait un peu passer l'odeur de merde ambiante. Certains d'entre eux étaient de vieilles connaissances, comme beaucoup de gens de ma génération foirée, Cabu c'était Récré A2 avec Dorothée et son nez gigantesque. Et j'ai eu le plaisir de croiser Wolinski très très jeune sur la table de chevet de feu mon grand-père. « Mamaaaaaan, c'est quoi ces cochonneries qu'il lit papi ? » Les nanas dessinées me faisaient bander parfois, ça s'appelle de la prédisposition.

Ça a touché la liberté, la liberté d'aller foutre tes semelles où ça te chante et comme ça te chante. La liberté de te dire « bon j'ai un cerveau voyons ce que je peux en tirer de pas trop mal », car c'est bien ça qui a été touché, on a dézingué des types qui mettaient leur cervelle au service des moins bien lotis dans mon genre, pour aider à nous ouvrir les yeux aussi grand que possible. Voilà que je me mets à chialer comme une conne, putain les gens de cette espèce m'ont tellement apporté, si seulement vous saviez l'ardoise que je leur dois, si seulement vous saviez à quel putain de point je n'ai pu compter que sur eux pour ne pas aller m'égarer je ne sais où. Le simple fait d'être devant un clavier ce soir, en train d'écrire, c'est un peu grâce à eux.

Et enfin, ça a touché ce qui est à mes yeux le plus important : l'humour. C'est un petit cheval de bataille perso depuis quelques années déjà, ceux qui me connaissent le savent et le subissent souvent, aussi. Pardon, hein. Je ne cesse de répéter que cette tendance de l'époque à se prendre de plus en plus au sérieux, à faire monter les assocs au créneau à la moindre vanne, bonne ou mauvaise ce n'est déjà plus la question, cette tendance à ne presque plus pouvoir rire de ce qu'on veut sans se ramasser une giclée de tempête, ça va finir par mal tourner. Depuis le 7 janvier 2015, l'humour est officiellement devenu une conduite à haut risque. Mets ta ceinture camarade, rajoute celle de chasteté on ne sait jamais... Se marrer tue, c'est ça le projet ? Sérieux ? Et on m'enlèvera désormais plus de l'idée que cette tuerie d'hier n'est que la manifestation rude et crue de l'ambiance qui s'installait depuis un bon bout de temps déjà. Oui je sais y aura toujours le risque de l'humour très très douteux voire franchement gerbant ou incitant carrément à la haine, mais s'il y a des tarés que ça fait rire, ça les détendra et qui sait, ça les rendra peut-être moins sensibles de la gâchette. Le meilleur hommage qu'on pourrait rendre à Charb et sa bande, ce serait pas d'essayer de rétablir la peine de rire ?


Mais qu'est-ce que j'ai mal, j'ai dû prendre une balle perdue, sinon j'vois pas.


18.4.14

SUR LA ROUTE DU REVE AMERICAIN #4

I want to be a part of it - New York, New York
Morning 1


Je m'étais pieuté assez tôt la veille, sans être bien sûr d'avoir avalé quoi que ce soit depuis le biscuit sous vide et le jus d'orange (visiblement de contrebande) qu'on m'avait filés une heure avant l'atterrissage de l'avion. A vrai dire, ça s'appelait pas vraiment se pieuter, non, du tout, j'étais seulement en train de consulter des brochures, des plans du bled, histoire de me faire une idée de ma promenade du lendemain, lorsque je me mis à cligner des yeux tellement fort qu'à un moment les paupières n'ont pas réussi à remonter pendant sept plombes. Ou quand Saturday Night Fever rencontre la camomille.

C'est donc à 4 heures de mon premier matin new yorkais, à deux pas de Broadway, que je m'offris un premier spectacle, avec pour seul light show la lueur blafarde d'une vieille lampe de chevet style « ma grand-mère aurait eu la même si elle avait eu les goûts de sa grand-mère » et pour seul décor un mur de briques rouges par la fenêtre. Le spectacle de ma petite personne à moitié dessapée, les cheveux encore plus en vrac que d'habitude, complètement frigorifiée par la clim. Un Bardamu dépareillé dans les ténèbres délirantes d'une nuit qui se préparait à mettre les bouts.

Et cette ville qui t'appelle sans arrêt, à croire que chaque building est un minaret grouillant de muezzins munis de l'appli Google Translate pour être sûrs de ne rater personne à dix miles à la ronde. Et ça marche, à peine le temps d'embarquer une Camel et j'étais en train de descendre 10 étages.

4h du mat un dimanche dans les rues de New York. La première leçon que j'en ai tiré, c'est que si cette ville ne dort jamais comme le prétend l'adage, il lui arrive par contre de se tirer en RTT certains week-ends. La nuit pâlissait doucement alors que je me baladais sur la 33ème jusqu'au pied de l'Empire State Building, en ne croisant en tout et pour tout qu'un vieil afro pensif chargé de nettoyer le trottoir. La grosse pomme était ce matin-là un fond de compote qui sentait le détergent. Je remontai à la chambre récupérer ma copilote et de quoi survivre pour la journée, quelques dollars, des pennies, des dimes, des quarters, un putain de paradis du numismate ce coin. Le cauchemar du réfractaire à tout semblant de méthodologie. Pour m'en sortir, j'allais devoir devenir la vieille qu'on croise à la caisse de la supérette, la vieille qui confie son porte-monnaie à la caissière pour lui laisser le soin de récupérer le montant de la note.

Le jour se levait timide et gris, mais à part un bagagiste d'un quintal faisant les cent pas devant l'entrée de l'hôtel, avec au moins trois fois son poids en valises autour de lui, aucun signe de vie au cœur même de Manhattan en ce dimanche matin frileux de juin. Je décidai de me diriger tout doucement vers Central Park en suivant la 7ème avenue puis Broadway à partir de la 42ème rue. A cette heure, on pouvait marcher sur le bitume défoncé de l'avenue sans risquer sa vie, sans même imaginer qu'une bagnole pouvait essayer de vouloir passer. Un agent de la NYPD me regardait prendre deux trois photos comme un gland au milieu de la rue, mais le type s'est résigné à attendre patiemment que je fasse preuve de bon sens. Je ne devais pas être le premier détraqué à défiler devant lui, et ses yeux semblaient dire « encore un type des forêts qui se croit dans la rue Victor Hugo de son bled à la con, j'te foutrais un yellow cab lancé à tombeau ouvert là-dedans, moi ».



Marcher en plein cœur de Times Square un dimanche matin, c'est visiter le vrai New York, c'est marcher dans une vraie ville et pas une galerie marchande à étrangers qui cherchent à jeter leur trop plein de pognon. C'est pouvoir s'arrêter cinq minutes devant le Ed Sullivan Theater juste pour se dire « c'est là dedans que David Letterman me fait marrer putain ». C'est croiser un mannequin asiatique matinal Armanisé de haut en bas qui se fait tirer le portrait en plein milieu de la rue (oui comme moi, mais payé pour, là). C'est longuement s'émerveiller sur des affiches de spectacles de Broadway dont on se cogne copieusement mais Kerouac a fait pareil alors c'est toléré. Et surtout, c'est commencer à se dire que dans ce pays, tout va être possible, tout va pouvoir arriver, tout va dépasser l'entendement.

Autant le dire tout de suite, l'entendement a volé en éclats quand le hasard m'a conduit à prendre un petit dej au Roxy Deli. Franchement, sur la carte, un oeuf et une saucisse ça avait l'air raisonnable, alors quand j'ai vu une assiette de la taille du Delaware débarquer sur la table et noyée sous un wagon de bouffe... J'ai fait comme d'hab en fait : oh c'est parfait, pile ce que j'attendais (le tout dans la langue, c'est à dire « OK, huuum.... OK », à un ou deux « u » près). Par chance, j'avais assez de crocs pour régler l'affaire en cinq minutes, récurage de l'assiette jusqu'à la dernière miette compris.

En remontant Broadway jusqu'à Central Park, je me suis aperçu que quelque chose clochait. Des filles bronzées en short court moulant et dépourvues de la moindre parcelle de graisse surgissaient de plus en plus nombreuses et semblaient converger vers Columbus Circle et l'entrée du Park. La plupart portaient des dossards numérotés, à l'effigie du drapeau portugais. Encore des portos qui n'ont pas pu s'empêcher de créer une association de portugais qui ne veulent surtout pas avoir à y refoutre les pieds, au Portugal, me dis-je. Rien d'inconnu. Sauf que ces filles ressemblaient trait pour trait à la jeune yankee qui s'entretient telle qu'ont me l'avait dépeinte pendant trente ans de films romantiques se déroulant à Central Park. Et aucune d'elles ne se prénommait genre Luzia, j'en fais le pari.

Me voilà donc débarquant dans ce petit square sympa de 340 hectares en plein départ d'une course de fond à travers le parc... Ça courait partout, des cuisses fermes sorties tout droit de la double page centrale de Fitness Mag, des lecteurs MP3 fuchsia en veux-tu en voilà, des visages ravis de puer la sueur, toute la panoplie de l'effort physique consentant, quoi. Une secte effrayante vouée toute entière au culte de la douleur musculaire et de la carotide à 450. Et sur les bancs, dans les buissons, dans les recoins, des clochards crasseux pioncent sans prêter attention au cirque. Les athlètes en sportswear de marque eux non plus ne se rendaient pas compte qu'ils enjambaient des clodos ici et là. C'était fascinant, pour un français comme moi, élevé comme tous ses compatriotes à bien mettre le nez dans le cul des autres. Il y avait là deux Amériques et chacune était une dimension paranormale pour l'autre. On pouvait sentir une frontière presque physique, un mur imprenable. Le plus choquant, c'est qu'il se dégageaient de tout ça comme une sensation d'harmonie. Mais une harmonie brutale, dure, impitoyable. Triste.


En quittant Central Park à la fin de la matinée, enfin en essayant de me frayer un chemin au milieu de 5000 gendres idéaux en plein trip de pulsation cardiaque, il ne m'a pas fallu longtemps pour m'apercevoir que les gigantesques boutiques de souvenirs avaient levé le rideau. Et dans ces endroits ça ne loupe jamais, je deviens un pigeon qui va chercher du côté de l'état second, je fais vingt fois le tour en ramassant tout ce qui passe à ma portée. Et putain qu'est-ce que j'imaginais foutre de cette balle de base-ball à 18 dollars, un sport qui me monte les nerfs en neige au moins autant que le théorème de Thalès.

à suivre...

1.12.13

SUR LA ROUTE DU REVE AMERICAIN #3

I want to be a part of it - New York, New York
Day 0


New York... La grosse pomme qu'ils disent... Que je sois changé en vieille star rabougrie de Broadway momifiée dans sa propre laque si j'ai vu quelque chose qui ressemble de près ou de loin à un fruit et légume dans ce bled. Peut-être aussi parce que mon instinct se met à clignoter en rouge quand j'approche à moins de deux kilomètres d'un étal de courgettes, c'est vrai... Mais si on se débrouille pour éviter les quartiers à commerce équitable remplis d'alter à sandalettes, cette ville est un eldorado quiché à l'est pour friands de mauvais cholestérol, un ramassis de calories si mastardes que j'ai dû prendre cinq kilos en me contentant de respirer les paquets d'atmosphère graisseuse autour de la 7ème avenue.

J'ai aussi pris quelques bonnes rougeurs sur les joues avec toutes les claques reçues là-bas. Si on peut vite se sentir minuscule, étranger ou complètement clodo dans les grandes villes, New York fait figure de truc à part, c'est une machine à grandiloquence si bien huilée qu'elle a besoin de votre présence pour faire tourner le merdier. Elle a besoin de sucer votre énergie jusqu'à ce qu'il n'en reste plus assez pour avoir la force d'avoir sommeil. Elle vous trouve une place dans le tableau avec crédit illimité pour tout un tas de cirques agités, bruyants, goinfrés de frénésie en technicolor hystérique.

D'entrée de jeu, l'arrivée à Manhattan en provenance de l'aéroport JFK met les points sur toute une chiée de i : les échangeurs bordéliques défilent sur la Long Island Express quand soudain sort de terre une skyline si impeccablement dessinée qu'on se demande quel est l'enfoiré qui nous a inoculé un fond d'écran I Love New York à même l'iris. Et à ce moment là on se se maudit d'avoir choisi de pénétrer l'endroit en plein samedi après-midi, tout en se persuadant que le trip va très vite tourner à la claustro sévère. Mais une fois lâché dans le truc on regarde deux trois fois en l'air, le temps de comprendre qu'on est entouré d'étages de bureaux empilés les uns sur les autres là où il y a de la place, puis on passe à autre chose qui s'avère vite bien plus vertigineux qu'une tripotée d'Empire State Buildings...

Ça a commencé dès le hall du Pennsylvania Hotel, et par hall il faut bien évidemment comprendre trois réceptionnistes à la chemise impeccable face à trois mille étrangers moites et débraillés bien décidés à ne pas faire traîner la corvée du check-in. En entrant là-dedans par un accès secondaire sur la 33ème, j'ai entendu distinctement le brouhaha me dire « bienvenue à New York c'est loin d'être fini »... Plus tard, après avoir bravé un gardien d'ascenseur endormi qui n'a même pas daigné faire semblant de se poser la question de ma présence, après avoir déposé un bon quintal de bagages dans la minuscule chambre 1082 au dixième étage, après m'être émerveillé deux secondes de l'ambiance années 30 de l'hôtel, mon corps a commencé à m'envoyer des signaux très très étranges. J'avais dormi 90 minutes la nuit précédente, avant de m'enfiler assez d'heures de transports en commun pour devenir une encyclopédie de la phlébite, y avait un lit confortable dans la piaule, et j'avais 37 ans qui pesaient lourd sur le nerf sciatique. Alors pourquoi cette pulsion qui me dictait de descendre m'enfiler une bonne dose de Times Square un samedi à 17 heures ?

A New York, le spectacle est en bas et on fait soi-même partie de la distribution. A peine franchie la porte tambour de trois tonnes, la vision est surprenante : une file ininterrompue de taxis jaunes devant l'entrée principale de l'hôtel sur la 7ème avenue, dégueulant des grappes et des grappes de touristes qui étaient peut-être le matin même à Buenos Aires ou Helsinki. En face, Penn Station avale et recrache chaque seconde l'équivalent du métro parisien à la sortie des bureaux. On m'avait dit que New York était « la ville qui ne dort jamais », ce n'était pas tout à fait le cas, à première vue ça ressemblait plutôt à « la ville qui a pété son bouton pause ».

Une fois sur le trottoir de l'hôtel, il suffit de se frayer un chemin parmi tout un foutoir de valises puis remonter la 7ème sur un demi-mile pour se retrouver en plein Times Square. Ça prend dix minutes à pied, à tout casser. Mais ces dix minutes à cet endroit-là représentent un tour du monde avec tous les visas possibles en règle. Des fleuves indisciplinés multicolores qui déchargent de la chair en tong venue des cinq continents, un merdier de grande ampleur sur des kilomètres d'avenues et de couleurs braillardes qui ferait passer un samedi après-midi à Ikea pour une croisière pépère sur l'Atlantique d'avant Christophe Colomb. Et on se rend très vite compte qu'on se trouve au cœur de la seule ville au monde où chaque touriste fait en même temps partie de l'attraction. On croise le monde entier en essayant de reconnaître les langues, et on se surprend à parler français un peu plus fort que d'habitude pour ajouter sa touche à la palette.


J'ai juste pris un brin de température ce soir-là, avant que la fatigue et un fond de jet-lag me ramènent à l'hôtel. Sur le chemin du retour, j'avais comme l'impression de marcher dans un film de la Goldwin. Un Sinatra boiteux dans une version pleins phares et sirènes du rêve américain, avec ses bagnoles agglutinées aux feux rouges, ses trucks-food, ses odeurs de hot-dogs, ses New York Times à quelques poignées de cents... Et ce petit truc en plus qu'on ne voit pas sur grand écran, la force centrifuge.

à suivre...